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Grand Raid des Cathares - 160Km et 7000mD+

  • Photo du rédacteur: Kevin Jan
    Kevin Jan
  • 3 nov. 2022
  • 10 min de lecture



Carcassonne, 20h55, un homme avec son micro qui ne fonctionne que par intermittence essaye de nous donner les dernières consignes avant le coup de pétard : balisage, déshydratation, sangliers, cordes… voici les quelques mots que les 150 coureurs arrivent à capter entre les coupures sonores.


Nous sommes au départ du Grand Raid des Cathares, une balade de 160 kilomètres et 7000 mètres de dénivelé positif. Elle vient clôturer une année assez fournie en compétitions, je me sens prêt physiquement mais je sens bien que je suis un peu fatigué mentalement, on verra bien…! La préparation spécifique s’est plutôt bien passée avec un mois de juillet de récupération suite au 105 kilomètres du Val d’Aran By UTMB, un mois d’août pour remettre du rythme dans les séances et un mois de septembre consacré au volume d’entraînement avec 430 km de course à pied et 750 km de vélo. Cette préparation fût validée 3 semaines avant avec une victoire sur le 59 km du Trail de Mauves en Vert, chose même pas imaginée il y a quelques années !


C’est donc devant l’entrée de la Cité de Carcassonne que nous prenons le départ, avec le frangin, prêt à en découdre. Le père déjà prêt, lui aussi, à dompter les “routes” locales afin d’être présent sur chacun des 12 ravitaillements pour nous faire boire et manger comme il y a 30 ans…!


KM 0 - Le départ est donné, ça ne vaut pas le départ de la Diagonale des Fous mais ça fait son effet quand même, les frissons accompagnent l’excitation de partir pour une belle et longue aventure. Les prochaines heures ne seront consacrées qu'à avancer le plus vite possible, puis le moins lentement, tout en mangeant et buvant le plus régulièrement possible. C’est ce qu’on est venu chercher quoi ! C’est notre sport !


KM 0 à KM 2 - Comme prévu avec Damien on prend un peu la tête de la course au milieu de tous ces vieux coureurs (ouai c’est un peu un sport de vieux l’ultra trail !). Un départ à 12 - 13km/h et nous nous retrouvons devant dans un groupe de 5 coureurs, je jette quelques coups d'œil au frangin qui est déjà en sueur, mais bon à cette allure normalement il est capable de griller une cigarette donc pas d’inquiétude, il gère ! Comme d’habitude ! Nous déroulons donc sur les premiers kilomètres, au petit trot dans les montées mais en descendant déjà très fort, surtout pour des mecs des plaines comme nous… Le favori de la course est un Isérois, il mène le groupe et ne fait pas semblant dans les descentes. Au kilomètre 8 je me retourne et le frangin nous a laissé partir, il a assez fait le con début juillet autour du golfe de Morbihan (CF les 3 premières heures du live vidéo de l’Ultra Marin sur Youtube !).


KM 2 à KM 19 - On avance donc à 4 en tête à un rythme que je trouve plutôt rapide mais bon je n’ai rien à perdre je sais que je suis le moins expérimenté du groupe. Le premier ravitaillement arrive, je prends 30 secondes pour remplir mes 2 flasques, 15 secondes de trop, mes 3 compagnons de route se sont déjà envolés… Vous êtes pressé les gars !!

Je fais donc l’effort pour les rattraper. Ambiance très... Halloween ! En forêt nous nous retrouvons tous les 4 dans un brouillard épais, la vision est limitée à 3 ou 4 mètres et nous nous retrouvons au milieu d’une meute de sangliers qui ont l’air encore plus effrayés que nous…!


KM 19 à KM 33 - Le 2ème ravitaillement approche, déjà 3h30 de course et nous sommes toujours tous les 4 devant, même quand l’un s’arrête pisser, les 3 autres l’imitent… À 2km du ravitaillement la course se décante un peu, Christophe, l’Isérois qui nous forçait un peu à faire les idiots en descente chute pour la 2ème fois et se blesse. Ensuite Régis qui sera le futur vainqueur décide de nous fausser compagnie et s’envole dans la stratosphère, nous ne le reverrons plus. Au ravitaillement du 33ème kilomètre j’arrive donc avec Maxime en 2ème et 3ème place, il repart légèrement avant moi et je ne le reverrais plus non plus. Il est minuit passé et je me retrouve seul avec la lumière de ma frontale, ça va être bien !


KM 33 à KM 50 - Je n’ai pas énormément de souvenir de cette portion, je crois qu’elle correspond au moment où le cerveau bug un peu en analysant la situation. Les premiers signes de fatigue physique apparaissent, les quadriceps jouent moins leur rôle de freins en descente, c’est un peu plus pénible de relancer en côte et on commence à casser la démarche comme Umtiti sur le plat…Peut-être qu’avec l’expérience ça sera plus facile de traverser ce moment difficile mais là je me pose des questions et les calculs ne sont pas bons : “Comment vais-je bien pouvoir courir encore 20h ?”

Vous l’aurez compris, on va essayer d’éviter de penser comme ça, pour le moment je me contente d’avancer, de manger toutes les 30 minutes et de descendre mon litre de boisson entre chaque ravitaillement.

Le kilomètre 50 est symbolique puisque c’est la première base vie du parcours, au Château d’Arques, je passe l’entrée de la tente sous les applaudissements de la vingtaine de bénévoles et m’assoit à la table que mon père m’a préparée pour essayer d’engloutir quelques pommes de terre rapidement. Je suis seul, la tente est relativement petite et tout le monde nous regarde, en silence, moi et mon père. Ambiance !! J’espère qu’ils n’analysent pas notre organisation car c’est un peu laborieux mais bon, 5 minutes et ça repart…!


KM 50 à KM 75 - En repartant du Château je décide de me mettre un peu plus dans ma bulle en mettant ma musique. Au rythme des chansons je passe d’états négatifs à euphoriques plusieurs fois. En montée, le souffle court, les cuisses qui brûlent poussant sur les bâtons, déprimant, jusqu’à basculer dans une descente, souriant, allongeant la foulée, me laissant même croire que l’arrivée n’est plus si loin à ce rythme alors que c’est faux ! Les premières lueurs du jour ne sont même pas encore là et quand le soleil pointera le bout de son nez il restera une journée entière à courir.

Bon là on arrive au kilomètre 70, l’endroit où les organisateurs ont inventé un concept. Vous prenez une forêt, une pente descendante d’environ 15%, sans chemin… vous y mettez une couche de cailloux, une épaisseur de 20cm de feuilles et vous recouvrez le tout de branches mortes. Ça donne 4 kilomètres descendant en 45 minutes, des mollets qui saignent un peu et une grosse pelleté d’insultes ! Après ce calvaire, ça fait du bien de retrouver une large piste sur laquelle m’attend le Padre, de quoi chasser les mauvaises pensées à l’approche du ravitaillement.

Arrivée à la 2ème base vie, notre organisation est digne d’un sketch de Laurel et Hardy, je peine à trouver mes affaires, je ne fait pas les choses dans le bon ordre et un coureur arrivé après moi repart devant moi. J’entame donc l’ascension du Pic de Bugarach en 4ème position.


KM 75 à KM 88 - Je n’ai plus ma musique et je me rends soudain compte que les sangliers n’apprécient pas forcément ma présence au beau milieu de la nuit. Toutes les 10 min c’est la même histoire, je fais peur à un sanglier qui détale à toute vitesse et qui me fait peur à son tour ! J’attaque la plus grosse ascension de la course et c’est le moment que je choisis pour appeler le frangin, il est 6h du matin et on est tous les deux dans la même galère, alors ça fait du bien de lui parler et de déconner un peu. Il est à peine 4 kilomètres derrière moi, je commence à me dire qu’il pourrait me rattraper, c’était sans prendre en compte sa tendance à planter sa tente sur chaque ravitaillement ! Revenons à l’ascension, ça monte, ça monte tandis que le brouillard refait son apparition. A l’instant où je commence à désespérer d’un quelconque point de vue, les nuages se dissipent peu à peu, plus je monte et plus j’y vois clair. Il est 8h du matin, le jour commence à se lever et je passe au-dessus des nuages, c’est magnifique. L’ascension finale du Pic s’effectue à même la paroi à l’aide de cordes, pas évident avec la fatigue et les bâtons dans la main. Après quelques cascades périlleuses j’arrive au sommet, la vue offre un panorama à 360 degrés sur une mer de nuages et les couleurs qui précèdent le lever du soleil sont magnifiques. Je ne traîne pas et entame la descente, toute aussi technique, jusqu’au prochain village. Après avoir rejoint la vallée, il fait complètement jour et j’arrive au ravitaillement où mon père est toujours au garde à vous et n’a toujours pas dormi lui non plus. Un sandwich Avocat/Tofu en guise de petit-déjeuner et c’est parti pour une journée un peu particulière !


KM 88 à KM 106 - C’est à partir du kilomètre 90 que j’accuse vraiment le coup physiquement, j’ai l’impression de ne plus avancer. J’arrive encore à grimper à un bon rythme mais la moindre descente technique est un calvaire et m’oblige à être lent. Je perds une place de plus et passe en 5ème position. Les premiers rayons de soleil commencent même à chauffer un peu et le cardio monte plus que cette nuit ! Point positif, je n’ai toujours aucun problème à m’alimenter et je mange mes barres très facilement. L’arrivée jusqu'à la dernière base vie au kilomètre 106 est très longue, j’essaye de relancer comme je peux sur le plat mais je perd à nouveau une place, Christophe, l’Isérois du début de course me dépose littéralement, il s’est bien refait la cerise ! J’arrive au Château d’Arques pour la deuxième fois, j’ai besoin de me refaire un peu, je prends donc une petite dizaine de minutes pour manger un maximum possible et prendre des nouvelles de Damien. Le père me dit qu’il a traversé une phase difficile mais qu’il est beaucoup mieux, rien d'original !


KM 106 à KM 120 - Plus l’on avance dans la course et moins les souvenirs sont précis, chaque coureur passe dans un état de pilote automatique. Celui qui dit qu’il profite des paysages après 15 heures de course est un menteur. En ce qui me concerne, la dernière base vie m’a fait du bien et je m’invente des petits challenge pour me forcer à relancer dès que je peux. J’essaye de faire de chaque kilomètre une petite course, je pronostique un temps pour le kilomètre et essaye de le battre… Quelle journée de merde bordel ! Il est 14h15, il fait carrément chaud et je crois que la lucidité commence à me lâcher un peu. Je suis tellement pressé d’arriver au prochain ravitaillement que je m’invente des toits de maison à travers la forêt toutes les cinq minutes. Kilomètre 120, je m'assois, mon père s’occupe de me remplir mes flasques comme à chaque ravitaillement depuis le début, ça me fait du bien de le voir, je ne sais pas comment font les coureurs seuls sur une épreuve comme ça... Il reste à peine 40 kilomètres, cette distance restante commence à être de plus en plus abordable et ça fait plaisir !



KM 120 à KM 137 - Passage officiel en mode robot, j’essaye de courir dès que c’est plat où que ça ne monte pas trop, les descente font mal… J’apprends que le frangin s’est arrêté dormir 20’, je commence moi même a avoir les paupières lourdes mais ça attendra. J’arrive tant bien que mal au ravitaillement du kilomètre 137, mon père n’est pas là, difficile pour lui de gérer l’écart entre moi et mon frère. Les bénévoles sont adorables, j’ai l’impression d’être le président, on m’apporte plein d’assiettes à ma table, j’essaye de manger ce qui passe. On m’annonce 20 kilomètres roulants jusqu’à l’arrivée. Ça sent la fin !


KM 137 à KM 160 - Allez un dernier sprint de 20 kilomètres, je prends 4 gels sur moi pour finir et je range mon cerveau dans la poche. Scénario classique, tu entends 20 kilomètres roulants tu t’imagines rentrer par l’autoroute jusqu’à Carcassonne. Malheureusement c’était sans compter les dernières bosses interminables à travers les arbustes, à tourner en rond pendant des centaines de mètres, à suivre balise après balise… Je m’occupe l’esprit en essayant de calculer et de pronostiquer mon temps final. Je crois bien que ça va passer sous les 24h ! Kilomètre 149, dernier ravitaillement, on m’annonce plus que 9 kilomètres avant l’arrivée, je repars du ravito et verse ma petite larme. La prise de conscience que c’est la fin cumulée à la fatigue m’offre une décharge d’émotion comme j’en ai rarement eu depuis que je fais ce sport. Les derniers kilomètres sont très roulants mais très longs, on alterne vignes et lotissements, j’ai remis la frontale et je crois voir des gens sur le bord de la route toutes les 5 minutes ! Entrée dans Carcassonne, certaines personnes n’ont pas l’air d’être au courant de notre délire et me regardent avec insistance. Je retrouve le père à 300m de la ligne et lui tape dans la main, je crois qu’il est aussi heureux que moi de me voir en finir… Je savoure la chance de partager ça avec lui et je passe la ligne d’arrivée en 23h24, quel bonheur… Mission terminée !


Arrivée du Frangin - Après m’être changé je m’installe sur une chaise au niveau de la ligne d’arrivée et j'attends, cela me permet de voir l’arrivée des 300 derniers coureurs du 12 km nocturne. Certaines femmes passent la ligne d’arrivée en pleurant, comme quoi il n’y a pas besoin de 23 heures dans la forêt pour vivre des émotions fortes, qu’est ce qu’on est débiles !! En parlant de débile, voilà le frangin qui enjambe la ligne d’arrivée après 25h05 d’effort, les yeux en plein phares et le cerveau liquéfié. On se fait une pudique accolade, je sais qu’il est et qu’il va être heureux de ce pari réussi mais pour le moment il est complètement cramé ! Moi je suis fière de lui, je le connais par coeur et je sais qu’il s’est sorti les tripes pour arriver au bout de cette aventure. Une photo finish avec le père pour immortaliser ce souvenir de plus et la souffrance est déjà oubliée… ! Une grosse pensée pour la famille et les amis qui ont vécu la course à distance et qui font biper le portable toute la course, merci à vous !


DEBRIEF


Points positifs :

  • Le partage en famille, valeur ajoutée indispensable.

  • La bonne gestion de l’alimentation et de l’hydratation du début à la fin.

  • L’aisance à relancer en marche bâton dans les côtes (merci le vélo !).

  • L’intensité de course plutôt bien gérée.


Points à travailler :

  • Un travail musculaire à réaliser cet hiver pour mieux encaisser les descentes.

  • Travail les descentes techniques.

  • Gagner encore un peu de temps sur les ravitos.

  • Trouver des outils pour relancer le plus possible dans la deuxième partie de course.





 
 
 

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