Le Dernier Homme Debout 2023
- Kevin Jan
- 5 mars 2023
- 7 min de lecture

Février, l’année 2023 s’ouvre sur une nouvelle saison de Trail. Certains ont profité de l’hiver comme d’un trait d’union entre les derniers défis de l’année 2022 et les nouveaux objectifs pour 2023. Pour ma part, les mois de décembre et janvier n’ont pas rimé avec canapé mais ont été particulièrement garnis avec en ligne de mire la toute jeune course locale qui commence à se faire une réputation dans le département : Le Dernier Homme Debout à Orvault.
Une organisation de course, chapeautée par le Racing Club Nantais, qui met tout en œuvre depuis 2 ans pour mettre en avant un format inédit en Loire Atlantique. Le principe est le suivant : une boucle d’environ 7,5 km de sentiers joueurs au cœur de la vallée du Cens pour un total de 230 m de D+ à parcourir en 1h. Un départ précisément toutes les heures. Si le coureur passe la ligne en moins d’une heure, il gagne son ticket pour la boucle suivante, dans le cas contraire il est invité à rejoindre le clan des éliminés au bar ! Si survivants il y a au départ de la 24ème boucle, ils se départageront à la loyal au terme d'une course. Autant vous dire que la formule intrigue et n’attire pas que les coureurs les plus intelligents du coin…!
L’année dernière j’ai participé à l’édition 2022 pour être présent avec les copains sans vraiment d’ambition de résultat. Cette année j’ai mis toutes les chances de mon côté dans le but de réaliser les 24 boucles ! Un mois de décembre à 370 km et de janvier à 400km, mon hiver le plus studieux jamais réalisé…
Quelques compétitions au milieu de tout ça avec une fessée cul nu au cross de la Chapelle sur Erdre en Décembre, une 2ème place sur le 30km de l’Hivernale du Sancy au mois de janvier et une claque par des enfants au 18km du Cormaris Trail en février.
C’est donc après 2 semaines beaucoup moins chargées en entraînement que je me présente sur la ligne de départ de la première boucle du Dernier Homme Debout la jauge du mental remplie au maximum.
Boucle 1 à 5 :
Le départ est donné à 10h50, nous sommes 322 débiles à venir essayer de trouver nos limites et pourquoi pas les repousser. Les 5 premières heures se déroulent sans vraiment d’effort, l’enthousiasme de courir avec les copains est là et les quelques bouchons sur les 2 premiers tours ne viennent pas entraver la satisfaction d’y être enfin. Nous enchaînons les boucles avec Julien et Cyrille, mes compagnons de course du jour.
A noter une petite frayeur sur la 2ème boucle où il a fallu s’employer un petit peu pour rattraper le retard dû aux bouchons, je m’en sort sans trop de dégâts mais certains se sont certainement fait piéger !
Le plan de route est établi, finir chaque boucle en 53’/54’, s'asseoir, manger, boire, remplir la flasque et repartir. Au menu, pâtes, sandwich à la confiture et barres. Pour l'instant, ça glisse tout seul !
Boucle 6 à 10 :
Les sensations pour ma part sont encore très bonnes, ça fait 6 heures que l’on court mais le temps passe plutôt rapidement. Nous sommes en fin d’après-midi et les supporters sont nombreux sur le parcours. Pour Cyrille, l’expérience s’arrête après la 7ème boucle et plus de 50km, une première pour lui ! Pour Julien, qui à 40 ans passés et qui est donc vieux, l’aventure continue mais nos rythmes sont un peu moins synchronisés et je commence à effectuer des boucles en solo. Entre chaque boucles, la famille est présente pour le soutien et ça c’est vraiment le kiff ! A l’arrivée du 8ème tour j’ai la chance de prendre mon petit shoot d’adrénaline en assistant à l’arrivée du frangin victorieux sur le Double Cens, la course de 15km du jour. Une première victoire pour lui, il savoure ! Non je déconne il est sur le dos et tire la langue…!
Il est 19h, nous repartons pour la 9ème boucle et il commence à faire nuit, l’ambiance a changé, nous sommes encore 75 au départ et la nuit va être longue ! La 10ème boucle est validée, 75km, toujours en 53’/54’. L’année dernière c’est là où je me suis arrêté, j’ai donc un peu l’impression que ma course commence.
Boucle 11 à 15 :
La douzième boucle marque la moitié de l’aventure, nous ne sommes plus que 30 partants, je retrouve Nico qui a fini 2ème l’an passé et son pacer David, ça déconne un peu (beaucoup) mais on sent bien que chacun commence à rentrer dans sa course. Margaux, la seule féminine encore en course et donc Dernière Dame Debout, est encore en manches courtes, impressionnant ! Pour ma part, je rentre petit à petit dans ma bulle, écouteurs enfoncés dans les oreilles, je rentre dans un état très positif. C’est une première pour moi d’être aussi bien physiquement et mentalement au bout de 12 heures d’efforts. J’ai mes repères sur la boucle, je sais où je passe précisément à 10, à 20, à 30 etc… Je profite à la fin de chaque tour de mes 5 minutes avec mes parents qui sont toujours là aux petits soins et je reprends à chaque passage une grosse dose de bonnes ondes avant de repartir ! 15ème boucle, il est 1h du matin, nous avons passé la barre symbolique des 100 km. Nous ne sommes plus que 13 et croyez moi, parmi les 322 débiles du départ, il ne reste que les chefs de tous ces débiles !
Boucle 16 à 20 :
Dès le départ de la 16ème heure, nous ne sommes soudain plus que 7, je suis toujours bien et même si le menu a légèrement évolué j’arrive encore à manger à chaque tour : Compotes, gels, coca, formule gagnante ! Du côté de l’assistance, seul mon père est resté et il s’emploi. Allant même jusqu’à faire sauter les plombs du gymnase pour me faire chauffer un thé… Nickel !
Concernant la compétition nous sommes maintenant à la 18ème boucle et seulement 4 en course :
Vincent, habitué des ultra-trails est celui qui a, à 52 ans, le plus d’expérience et qui est bien décidé à montrer aux petits jeunes qui est le patron. Il enchaînera, entre autre, au printemps sur le format 220 km de la VVX en Auvergne.
Aurélien, le coureur Parisien, qui a sûrement le plus de volume kilométrique au compteur en ce début d’année avec des semaines à 180 km. Jusqu’ici il survole un peu la course en bouclant quasiment toutes les boucles en tête, je n’ai donc jamais eu l’occasion d’échanger avec lui.
Yohan, vainqueur de la dernière édition LDHD Vendée après un scénario remarquable et des conditions dantesques. Il revient se confronter à la difficulté de l’épreuve malgré une qualification pour la finale en Belgique au mois de Mars. Costaud ou Ambitieux ? L’avenir nous le dira ! En tout cas chapeau bas… !
Moi, content d’être parmi ces coureurs et bien prêt à ne pas lâcher.
Au départ de la 18ème boucle, je me retrouve seul en tête sans accélérer, je commence à me dire que les 3 autres sont cramés !
Faux ! Dès la boucle suivante j’accuse le coup et je me retrouve en 3ème position avec Yohann qui reste dans ma foulée et qui n’a pas l’air au mieux. On échange un peu sur sa performance du mois dernier en Vendée mais je ne suis pas de très bonne compagnie et ressent le besoin de retourner dans ma bulle musicale. Désolé Yohann !
Au départ de la 20ème boucle, il est 6 heures, même scénario, je me retrouve à l’arrière avec Yohan dans ma foulée, les calculs mentaux sont de plus en plus brouillons mais je me dis que j’ai encore les cannes pour au moins un autre tour. C'était sans compter sur l’arrêt forcé à 3km de la ligne pour effectuer quelque chose que personne ne pouvait faire à ma place ! Avec la fatigue accumulée je perds presque 3 minutes. La course est pliée pour moi. Je finis le tour en compagnie du padre qui me tire pour que je passe sous l’heure, je ne l’ai jamais vu courir aussi vite sur des sentiers monotraces et en pleine nuit ! Après 2 km soutenus, je sonne la cloche une dernière fois après 59’25, je pose les mains sur les genoux et c’est terminé pour moi, 20 heures, 150 km et 4500 mD+ !
Mes 3 acolytes repartent au petit trot, je finis donc au pied du podium à la 4ème place.
Yohan finit 3ème en 21 tours, Vincent 2ème en 22 tours et Aurélien 3ème en 23 tours.
En espérant être de la partie l'année prochaine pour aller chercher les 24 boucles...!
Bilan :
Le dénouement sur ce format ne se joue pas à grand-chose, l’allure est très faible toute la course et la douleur physique est minime par rapport aux formats plus classiques. Je dirais que les points les plus importants pour réussir ce format sont une bonne organisation pendant et entre les tours puis un gros mental qui servira à repartir toutes les heures sans se poser de questions.
Plus les jours passent après la course et plus l’on oublie à quel point nous étions mal, à quel point l’inconfort était bien présent. C’est ce processus d’amnésie sélective qui fait monter les regrets après avoir succombé à la tentation, mais c’est aussi celle-ci qui nous fait repartir pour un autre Ultra alors qu’on s’était dit “plus jamais”.
Pour ma part, les jours suivants ce week-end sportif seront consacrés à la récupération avant d’entamer 6 mois d'entraînements orientés vers l’Ultra Trail du Mont-Blanc !
Mention spéciale aux deux Antho et à Matthieu qui ont veillé sur le parking de l’église d’Orvault jusqu’au petit matin pour nous encourager, c’était magique ! Ainsi qu'à Yo et Antoine, les deux copains du Studio Gymbox venus m'encourager durant la nuit et au petit matin.
Une fois de plus je mesure la chance de partager des moments de sports intenses comme celui-ci auprès de ma chérie, de mes parents et de toute la famille… Je vous encourage à essayer !
* Merci Juju pour le paquet de Cookie que j’ai violenté sur le périphérique en rentrant !
Passionnant à lire. Toute mon admiration. Bonne continuation